Accueil des Mena : la guerre de position

Article de Cédric Vallet publié le 1.04.2012 - n° 335 Education et jeunesse Actualité

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Les mineurs étrangers non accompagnés (MENA) ne sont pas sortis de l’auberge. Enfin si, ils sont sortis des auberges de jeunesse, qui ne les accueillent plus.

On les trouve encore dans quelques hôtels de Bruxelles. Et toujours à la rue.

Les services d’aide en milieu ouvert (AMO) n’en peuvent plus. Ils bricolent au quotidien pour trouver des solutions. Hébergement, vêtements, nourriture.

Un travail harassant qui vampirise les services. « Cette énergie qu’on consacre aux Mena, c’est au détriment des missions habituelles des AMO », regrette Saïda El Khonssi de l’AMO promo-jeunes. « Nous passons beaucoup de temps à faire du droit des étrangers, ajoute Khaled Boutaffala, directeur de l’AMO Atmosphères. Car tous les droits prévus dans la Convention internationale des droits de l’enfant sont bafoués quand on parle des Mena.
Et ce sont tous les jeunes de l’AMO qui en pâtissent
. »

Sur le front, les lignes n’ont pas beaucoup bougé. La guerre d’usure se poursuit. Il y eut bien une trêve hivernale, évoquée dans Alter Echos : lorsque les températures se mirent à plonger, des solutions improvisées furent trouvées, tant du côté de Fédasil que du côté de l’Aide à la jeunesse.

Avec le retour du printemps, on en revient au problème de fond. Qui va donc accueillir ces mineurs ? Fédasil, toujours débordé par la crise de l’accueil, n’héberge plus les Mena non demandeurs d’asile depuis longtemps. L’agence fédérale se contente de leur octroyer une place à l’hôtel lorsque le tribunal du travail l’y contraint.

L’Aide à la jeunesse, de son côté, estime prendre sa part avec ses centres spécialisés comme « El Paso », par exemple. Mais de manière générale, sa position est claire : c’est à Fédasil de les accueillir.

Dans ce contexte, l’Aide à la jeunesse ne s’aventure pas trop loin dans la prise en charge des Mena, de peur que Fédasil ne se décharge un peu plus de ses responsabilités. Conséquence : l’Aide à la jeunesse rechigne bien souvent à reconnaître l’état de danger des Mena laissés à la rue. Un état de danger qui, lorsqu’il est reconnu, entraîne une prise en charge.

L’Etat belge cité en référé

De nombreuses associations, sous l’impulsion de Menamo, ont cité en référé l’Etat belge et Fédasil pour « leur accueil indécent » des mineurs étrangers non accompagnés. On trouve, parmi les organisations qui se sont associées à la démarche, la Ligue des droits de l’homme, le Centre d’action laïque, la Coordination des ONG pour les droits de l’enfant ainsi que des fédérations de l’Aide à la jeunesse.

Les associations dénoncent les violations du droit international (Convention internationale des droits de l’enfant), du droit national (loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile) et de la Constitution.

Des prises en charge par l’Aide à la jeunesse

A partir de janvier, le Service d’Aide à la jeunesse de Bruxelles a payé l’hébergement de certains Mena à l’hôtel La Potinière, à Schaerbeek. « C’était un premier pas de la part du SAJ », admet Charlotte Van Zeebroeck de l’association Menamo, qui se bat pour les droits des Mena. Et d’ajouter : « Cette aide était incomplète. Les Mena ne recevaient rien pour l’habillement, la nourriture, les soins. L’aide de base n’y était pas ».

Aujourd’hui encore, des Mena dorment à La Potinière. Ils seraient une quinzaine. Mais ils sont de plus en plus rares à obtenir ce sésame. Toujours selon Charlotte Van Zeebroeck, « le SAJ n’aide plus les Mena. Il refuse désormais de les prendre en charge. Les Mena vont dans des squats ou à la rue  », ce dont témoigne Saïda El Khonssi qui accompagne des Mena devant le conseiller de l’Aide à la jeunesse. Ce dernier leur aurait opposé un refus catégorique. Menamo ne « demande pas que l’Aide à la jeunesse accueille tous les Mena. Mais simplement qu’elle octroie une aide subsidiaire et temporaire, le temps que Fédasil soit condamné à héberger un Mena ». En gros : un accueil de quelques semaines, le temps que le référé introduit contre Fédasil aboutisse.

Une idée qui ne convainc guère la ministre de l’Aide à la jeunesse, Evelyne Huytebroeck (Ecolo) : « Nous n’avons pas les structures pour cela, ni les compétences directes. Mais surtout nous n’avons pas les moyens. Nous ne voulons pas nous désengager, mais c’est un travail qui doit se faire entre Fédasil et l’Aide à la jeunesse. J’ai aussi demandé à Annemie Turtelboom (Open-VLD, ministre de la Justice), qu’elle fasse nommer plus rapidement les tuteurs pour que des contacts plus rapides soient pris avec le Service d’Aide à la jeunesse. Il faut un accord de coopération avec Maggie De Block (Open-VLD, la ministre en charge de l’Asile, de l’Immigration et de l’Intégration sociale). Mais il n’a jamais été question que l’Aide à la jeunesse prenne en charge tous les Mena. Le fait qu’ils soient Mena ne justifie pas qu’ils soient en danger. »

Un aveu d’impuissance du SAJ

Jusqu’où l’Aide à la jeunesse doit-elle intervenir pour ces Mena ? Une question que se pose chaque jour le Service d’Aide à la jeunesse de Bruxelles. Francine Roose, conseillère adjointe, réfute la version des faits présentée par Menamo : « Avant janvier, nous trouvions des solutions dans les circuits de l’Aide à la jeunesse pour des Mena. Puis en janvier, il y a eu un afflux de demandes. Tout le monde a été débordé. Il a donc fallu se tourner vers les auberges de jeunesse et vers des hôtels, qui ne sont pas de bonnes solutions. L’idée était que ces prises en charge soient transitoires, le temps de trouver d’autres solutions ou qu’un recours aboutisse. Mais il n’y a pas assez de tuteurs, alors ces prises en charge se prolongent. Nous cherchons des solutions d’urgence au quotidien. Le problème, c’est que les auberges de jeunesse n’acceptent plus d’accueillir ces jeunes, ni les hôtels. Plus personne ne veut des Mena. L’Aide à la jeunesse est bouchée. Je ne sais pas ce qu’on va faire. On est au bout. C’est donc vrai que depuis quelques jours il n’y a plus de place. »

Un aveu d’impuissance qui interpelle. Et un discours qui se veut en décalage par rapport aux affirmations de Menamo, « pour nous, un Mena est un mineur comme les autres. Et un mineur à la rue est un mineur susceptible d’être en danger », dit Francine Roose. Elle regrette que Menamo ne se rende pas compte « des interpellations que le Service d’Aide à la jeunesse fait sans arrêt. Tout le monde est mobilisé face à cette situation complètement folle. »

Situation folle, imbroglio, confusion. Les mots ne manquent pas pour décrire l’impasse dans laquelle se trouvent les Mena. Qu’ils soient à la rue à cause des hôtels qui ne les acceptent plus ou par manque de volonté de l’Aide à la jeunesse, cela ne change pas grand-chose.

Qu’on rappelle inlassablement que l’accueil des Mena est essentiellement une compétence de Fédasil ne modifie rien. La situation est la même : des mineurs dorment à la rue. Certes, les discussions entre l’Aide à la jeunesse, l’Intégration sociale et autres « partenaires » ont repris. Mais cela suffira-t-il ?

- Voir notre page consacrée aux MENA

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Billet d'humeur

NEET : le néant n’a pas d’avenir

Contraction de l’expression anglaise Not in Education, Employment or Training (ni étudiant, ni employé, ni stagiaire), l’acronyme NEET désigne les jeunes de 15-34 ans, célibataires, qui vivent chez leurs parents, ne travaillent pas et ne recherchent pas d’emploi.
Vous imaginez aisément que, sans projet de vie, le jeune NEET n’a pas des dizaines de perspectives à long terme : on perçoit aisément les difficultés qui vont commencer à se présenter graduellement si le jeune ne parvient pas à sortir de ce « statut » qui
n’en est pas un. Les instituts de statistiques et les gouvernements ont commencé à s’intéresser à ce phénomène des NEET, car les autres données (telles que le taux du chômage ou le pourcentage de réussite des études ou même des échecs) ne rendent absolument pas pleinement compte de la situation des jeunes. Sans entrer dans les détails, on sait que la proportion de NEET chez nos jeunes a une furieuse
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Les équipes de SOS Jeunes – Quartier Libre connaissent bien cet engrenage qui fait, petit à petit, qu’un sorti de l’école s’enlise. Plus de formation, pas d’emploi, pas de stage, il se replie sur lui et se démotive. On en vient ensuite à la dégradation de sa propre image et à la désaffiliation. On se doit d’agir en amont afin d’éviter de tomber dans l’engrenage des NEET. Parce que le néant n’a pas, soyons honnête, beaucoup d’avenir. Le projet « Un jour, demain ! », de notre Antenne ixelloise Quartier Libre, vise notamment à informer les jeunes de ce qui est possible après l’école. Il s’adresse à un public particulier qui est constitué de jeunes de sixième année de l’enseignement spécial. Que se passe-t-il après l’école ? Comment entrer dans la vie active ? Un DVD reprend des témoignages d’aînés, connus des jeunes, qui racontent leur parcours… Une série de témoignages qui doivent permettre aux jeunes de prendre leur propre envol, une fois l’école quittée.

Amicalement à vous !

1er janvier 2019